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Un petit groupe d'expatriés français à Londres qui discutent, échangent, débatent une fois par mois sur des sujets socio-econonomico-culturo-politico-intellectuels. Les débats du club COGITO se veulent ouverts, amicaux, sincères, et animés.

lundi 16 avril 2012

Le fichier des « honnêtes gens » est-il le petit frère de Big Brother ?


La société sous surveillance est, depuis le roman d’Orwell "1984",  au cœur des questionnements sur le rapport entre technologie et liberté, et une source inépuisable de  fantasmes liberticides.

Dans un sens, l'installation de caméras, la reconnaissance faciale des émotions, le body tracking, la biométrie sous toutes ses formes ou encore les réseaux sociaux posent d'importantes questions quant à l’autonomie des individus et au respect de leurs libertés fondamentales.

D’un autre coté, l’utilisation des ces technologies nouvelles dans la protection des personnes et des biens contre le terrorisme, le banditisme et la délinquance se justifie pleinement  pour les tenants de la sécurité a tout prix.

En France, l'Assemblée nationale et le Senat viennent d’adopter une proposition de loi "relative à la protection de l'identité" qui vise à moderniser la carte nationale d'identité et créer un fichier  regroupant les identités et données biométrique de l’ensemble des Français. Ce texte de loi prévoit de créer une nouvelle carte d'identité contenant noms, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, adresse, taille, couleur des yeux, empreintes digitales et photographie.

Ces données seront également centralisées, avec les données biométriques des passeports, dans "un fichier central biométrique" qui à terme pourrait concerner quelques 60 millions de “gens honnêtes”, pour reprendre le terme utilisé par un sénateur pour qualifier ce fichier censé lutter contre l’usurpation d’identité.

Si la constitution de ce fichier semble faire l’unanimité entre députés et sénateurs, son utilisation pose débat car certains  veulent le détourner de sa finalité administrative première et en autoriser une exploitation policière et judiciaire.

Alors que plusieurs voix de la société civile et de la sphère politique s’élèvent contre la création et l’utilisation de ce fichier au motif qu’il constitue une " bombe à retardement pour les libertés publiques" expliquant que "dans l’avenir, d’autres pourront transformer ce fichier en outil dangereux et liberticide", le Conseil constitutionnel a censuré en mars dernier la création de ce mégafichier invoquant une atteinte au respect de la vie privée.

Le CC pointe en particulier la nature des données, l'ampleur du fichier (la quasi-totalité de la population française) et "les caractéristiques techniques" qui permettent son interrogation à d'autres fins que la vérification d'identité d'une personne, censurant au passage la disposition qui visait à donner accès au fichier à la police et à la gendarmerie au motif qu’il était impossible d’offrir "les garanties légales contre le risque d'arbitraire".

En Europe aussi, la question est d’actualité. L’Allemagne se refuse a constituer un tel fichier, invoquant explicitement son passé. C’est le cas également pour  le Royaume-Uni et la Belgique, pourtant très avancée dans la mise en place de cartes d’identité électroniques. Le ministre de l’intérieur des Pays-Bas a annoncé en avril que les 6 millions d’empreintes digitales recueillies pour l’établissement de passeports biométriques seraient effacées.

Doit-on avoir peur de ce fichier ?
Ce projet est-il la version moderne d’un panoptique géant a ciel ouvert ?
Comment vivra-t-on dans une société où tout le monde est observé?
L'anonymat finira-t-il par disparaître totalement?
Quels risques une telle évolution de la société fait-elle courir à la démocratie?

L'évolution actuelle des systèmes de surveillance, dans un contexte de recherche croissante de sécurité, risque d’engendrer une société dans laquelle la notion de liberté individuelle s'efface progressivement. Interroger ces technologies, comprendre les valeurs qu’elles véhiculent et les impacts qu’elles peuvent avoir sur nos collectivités, se révèle plus important et plus urgent que jamais.



Voici quelques lectures pour accompagner votre réflexion :

Presentation du projet de loi a l’Assemblee Nationale



Explication de texte et petite histoire dans OWNI :




… et dans Politis :


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